Entre
1965 et 1969, Robert Smithson réalise une dizaine de NON-SITES
inspirés surtout des paysages du New Jersey. Tous sont organisés
selon un système de correspondances entre :
SITE-> espace extérieur, périphérique,
illimité, dispersé.
et
NON-SITE-> mise en forme fermée,
intérieure, délimitée, concentrée.
Dans Non-Site, Franklin, New Jersey, 1968, l'oeuvre exposée
est faite de conteneurs de forme trapézoïdale et de photographies
aériennes, correspondant à un secteur du SITE réel.
Chaque conteneur est rempli du minerai prélevé à
l'endroit même que représente le prélèvement
photographique. Transféré et modelé ainsi vers l'intérieur
de la galerie, le SITE de départ est devenu NON-SITE
: de réalité brute et ouverte vers toutes sortes de possibles,
il a été circonscrit par des formes qui en permettent
la lecture.
Pour comprendre la dialectique SITE / NON-SITE de Robert
Smithson, il faut accepter comme principe de départ que le
SITE est cette nature vaste et illimitée qui, en soi, n'est
pas lisible, nous repoussant vers des marges sans fin. L'artiste
explique :
"Comment contenir ce site océanique ? J'ai développé
le NON-SITE, qui en un sens physique contient l'état de rupture
du site. Le conteneur est en lui-même un fragment, quelque
chose qui pourrait être une carte tri-dimensionnelle. Sans
référence à la "gestalt" ou à "l'anti-forme",
le conteneur existe comme fragment d'une plus vaste fragmentation.
Il est une sorte de perspective tri-dimensionnelle qui s'est rompu
d'avec le tout, en même temps qu'il contient le vide de son
propre contenu." (1)
Forme articulée du SITE, le NON-SITE n'en présente pas
plus de centre, ni de point focal. Contenant le plus souvent un
échantillonage de la matière fragmentée de la surface
terrestre, il fait état des processus de sédimentation
et de rupture continuelle en oeuvre sur le SITE. Comme la carte
de Lewis Carroll, ce qu'il contient est en fait un centre vide,
qui nous renvoie constamment vers les bords, vers la circonférence.
(1)
Robert Smithson, "A Sedimentation of the Mind : Earth Projects (1968)",
Robert Smithson : The Collected Writings, p. 111. Traduit
par mes soins. |
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