Les
Land Artistes à la conquête des territoires |
Pour
lancer les motivations du Land Art, Robert Smithson proclamait,
en 1968 : "Nous espérons nous libérer du formalisme de l'art
pratiqué en atelier, pour permettre au spectateur de se frotter
davantage à la matérialité du monde extérieur."(1)
Car dans ce lieu qu'est le musée, explique-t-il, on est supposé
ne pas penser à l'endroit où nous sommes. Alors que l'on
attend de l'artiste qu'il promulgue des valeurs esthétiques et
culturelles à travers des tableaux et des sculptures, conçus
dans une totale indifférence par rapport au lieu d'exposition
; on attend du spectateur qu'il réponde d'une manière presque
métaphysique aux oeuvres, en terme de lignes, de formes, de couleur
et de sujet ; en oubliant, en somme, l'espace environnant, c'est-à-dire
ce qu'il y a à l'extérieur du cadre.
Sans doute dans la voie tracée par la génération Beat,
qui s'opposait aux conventions intellectuelles dans lesquelles la
littérature avait été confinée, et qui avait adopté
une attitude de bohème dans le monde, en étroite relation
avec une littérature véhiculaire et rhapsodique, les Land
Artistes partent à la conquête des territoires parce qu'il
devient primordial pour eux de sortir l'art du réseau institutionnel
des galeries et des musées, qui est trop fermé sur lui-même
et coupé du monde extérieur.
Des expéditions sont donc improvisées, en province et dans
les déserts de l'Ouest américain, pour la prospection des
sites qui serviront de surfaces aux travaux d'installation.
Inspiré par ses fréquentes promenades dans les quartiers
et les carrières du New Jersey, sa région natale, Robert
Smithson développe une pensée théorique entièrement
tournée vers la redéfinition de la nature physique de l'art.
Tous ses écrits convergent vers une même idée : que
la pratique artistique participe à la transformation des territoires,
dans la même mesure que le font toutes les pratiques scientifiques
impliquées dans ce processus. Plus proche de l'architecte que
de l'ouvrier, il adoptera, avec ses amis du Land Art, une approche
très conceptuelle de la pratique artistique, où l'artificialité
des oeuvres sera en général délibérément
soulignée, par la divulgation des plans et des différentes
étapes du processus de travail.
Pour le projet d'aéroport régional de Dallas, auquel il
participe en tant qu'artiste consultant, Robert Smithson s'investit
dans l'étude scientifique des cartes, des plans et modèles
de construction, en relation étroite avec les ingénieurs
et architectes de la firme chargée d'aménager le site. Sa
fascination pour la manière dont se coordonnent les éléments
de l'espace et de la terre le conduit é s'intéresser de
près au travail des topographes. Cet intérêt porté
à la technologie est cependant constamment détourné
vers l'art, et la manière d'intégrer l'acte artistique à
la construction territoriale.
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(1)
Coupure de presse, exposition Earthworks, 1968. In Gilles
A. Tiberghien, Land Art, Paris, Carré, 1995, p.44. |
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