Les
Land Artistes à la conquête des territoires (2) |
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Comme
les satellites explorent la lune et les autres planètes pour
nous apporter une connaissance de l'univers qui ne soit pas toujours
visible à hauteur humaine, ainsi est-il permis de penser que
nous puissions regarder l'art comme nous regardons le territoire,
à travers des cartes, des téléscopes et toutes sortes
d'instruments artificiels. L'important est de chercher comment l'art
devra prendre place dans et autour de cet aéroport, d'une manière
qui nous fasse prendre conscience du nouveau paysage contemporain.
C'est en périphérie du site aéroportuaire, au niveau
des autoroutes et des voies de taxis, que Robert Smithson envisage
d'installer son projet de earthwork, ainsi que ceux de Robert
Morris, Carl Andre et Sol Le Witt. À l'exception
de Sol Le Witt, qui choisit de réaliser une oeuvre non-visible,
en enterrant une boîte dont le contenu ainsi que la localisation
resteraient inconnus du public, les earthworks seraient des
"sites aériens", c'est-à-dire des oeuvres à très
grande échelle, qui feraient intervenir des lignes de contour,
pouvant être perçues dans leur totalité seulement lors
des départs ou des arrivées en avion. L'une des propositions
de Carl Andre, par exemple, consiste en un cratère formé
par une bombe d'une tonne, lâchée d'une hauteur de 3000
mètres. |
Plus entreprenant encore, Christo commence,
à la fin des années 60, ses interventions gigantesques
d'emballage. Il va donner de ses projets des indications techniques
d'une grande précision. Pour Wrapped Coast, Little Bay,
Australia,1969, qui consiste en une bâche de 9,3 hectares
ficelée sur 56 kilomètres de côte australienne, il
comptabilise les quantités de matériaux impliqués
dans l'intervention, le nombre de personnes, leurs fonctions, les
semaines et les heures de travail. Les maquettes et les plans prennent
chez Christo une valeur nécessairement importante, étant
donné l'ampleur des réalisations.
Car l'importance accordée aux plans, aux croquis, aux idées
et aux maquettes a souvent été placée, à l'époque,
au-dessus de la nécessité de construire des monuments
sculpturaux dans le paysage. Même pour Observatory,
réalisé pour la première fois en 1971 à Ijmuiden,
aux Pays-Bas, Robert Morris déclarait que son idée
n'avait pas été de construire un objet architectural,
mais de donner forme à l'espace, "en suscitant une expérience
d'interaction entre le corps et le monde (2)".
Loin du paysagisme et del'art des jardins (qui est surtout une manière
d'esthétiser, de plier sous un embellissement les formes de
la nature), les projets entrepris par les Land Artistes auront été
largement motivés par une réflexion et un travail sérieux
sur les conventions entourant notre perception du territoire, entendu
comme un espace terrestre investi culturellement et technologiquement.
(2)
Cf. Gilles A. Tiberghien, Land Art, Paris, Carré,
note 45, p.83. |
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