Les Land Artistes à la conquête des territoires (2)

Robert Smithson
Aerial Map-proposal for Dallas-Fort Worth Regional Airport, 1967. Miroirs, 20,3 x 127 x 177,8 cm.
Courtesy John Weber gallery, New York.
Comme les satellites explorent la lune et les autres planètes pour nous apporter une connaissance de l'univers qui ne soit pas toujours visible à hauteur humaine, ainsi est-il permis de penser que nous puissions regarder l'art comme nous regardons le territoire, à travers des cartes, des téléscopes et toutes sortes d'instruments artificiels. L'important est de chercher comment l'art devra prendre place dans et autour de cet aéroport, d'une manière qui nous fasse prendre conscience du nouveau paysage contemporain.

C'est en périphérie du site aéroportuaire, au niveau des autoroutes et des voies de taxis, que Robert Smithson envisage d'installer son projet de earthwork, ainsi que ceux de Robert Morris, Carl Andre et Sol Le Witt. À l'exception de Sol Le Witt, qui choisit de réaliser une oeuvre non-visible, en enterrant une boîte dont le contenu ainsi que la localisation resteraient inconnus du public, les earthworks seraient des "sites aériens", c'est-à-dire des oeuvres à très grande échelle, qui feraient intervenir des lignes de contour, pouvant être perçues dans leur totalité seulement lors des départs ou des arrivées en avion. L'une des propositions de Carl Andre, par exemple, consiste en un cratère formé par une bombe d'une tonne, lâchée d'une hauteur de 3000 mètres.

Christo, Wrapped Coast, Little Bay, Australia, 1969. Photo Harry Shunk.© Christo, 1969.


Plus entreprenant encore, Christo commence, à la fin des années 60, ses interventions gigantesques d'emballage. Il va donner de ses projets des indications techniques d'une grande précision. Pour Wrapped Coast, Little Bay, Australia,1969, qui consiste en une bâche de 9,3 hectares ficelée sur 56 kilomètres de côte australienne, il comptabilise les quantités de matériaux impliqués dans l'intervention, le nombre de personnes, leurs fonctions, les semaines et les heures de travail. Les maquettes et les plans prennent chez Christo une valeur nécessairement importante, étant donné l'ampleur des réalisations.

Car l'importance accordée aux plans, aux croquis, aux idées et aux maquettes a souvent été placée, à l'époque, au-dessus de la nécessité de construire des monuments sculpturaux dans le paysage. Même pour Observatory, réalisé pour la première fois en 1971 à Ijmuiden, aux Pays-Bas, Robert Morris déclarait que son idée n'avait pas été de construire un objet architectural, mais de donner forme à l'espace, "en suscitant une expérience d'interaction entre le corps et le monde (2)".

Loin du paysagisme et del'art des jardins (qui est surtout une manière d'esthétiser, de plier sous un embellissement les formes de la nature), les projets entrepris par les Land Artistes auront été largement motivés par une réflexion et un travail sérieux sur les conventions entourant notre perception du territoire, entendu comme un espace terrestre investi culturellement et technologiquement.

(2) Cf. Gilles A. Tiberghien, Land Art, Paris, Carré, note 45, p.83.

Les territoires inoccupés. http://territoiresinoccupes.free.fr/
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